La sécurisation des autorisations d'urbanisme par la loi ELAN.

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2019
La sécurisation des autorisations d'urbanisme par la loi ELAN.
Protection des intérêts des constructeurs et lutte renforcée contre les recours abusifs.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – dite loi ELAN – est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.
 
Portant réforme du droit immobilier, cette nouvelle loi vient particulièrement impacter le contentieux de l’urbanisme, forte d’une volonté de sécurisation des droits à construire et de lutte contre les recours abusifs.

 

1. Les règles de recevabilité : la modification des conditions d’admission de l’intérêt à agir.

Pour les particuliers : la modification de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme

L’ancienne rédaction de cet article exigeait pour le demandeur souhaitant contester un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de démontrer que la construction, l'aménagement ou les travaux autorisés étaient de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien détenu ou régulièrement occupé.
 
La nouvelle rédaction précise désormais que ladite atteinte, justifiée par le demandeur contestant une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol, doit provenir de la construction, de l’aménagement ou du projet autorisé.
 
Les conséquences de la modification textuelle de l’article sont doubles :

  • d'une part, la redéfinition de l’intérêt à agir de l’article L. 600-1-2 concerne désormais également les déclarations préalables, qui en étaient initialement exclues ;
 
  • d'autre part, est désormais exclue la référence aux « travaux » qui prêtait à confusion dans l’esprit des praticiens, les requérants se référant fréquemment aux troubles générés durant le chantier. Les désordres subis à cette occasion devaient être exclus du champ d’application de l’article L. 600-1-2 puisque contraire même à l’esprit de ce texte. C’est chose faite avec la nouvelle rédaction de l’article qui vise désormais le projet autorisé en lieu et place des travaux.

Pour les associations : la modification de l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme :
 
L’ancienne rédaction exigeait de l’association requérante, pour justifier d’un intérêt à agir, d’avoir procédé au dépôt de ses statuts avant l’affichage en mairie de la demande contestée.
 
La nouvelle rédaction exige désormais de l’association requérante le dépôt des statuts au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
 
Il est ici question d’éviter la création d’association dans l’unique but de lutter contre un projet à naître.
 

2. La limitation dans le temps du dépôt d’une requête en référé suspension

L’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme encadre désormais le dépôt d’une requête en référé suspension dans un délai strict.
 
Initialement tenue par aucune condition de délai excepté celui du délai du recours contentieux de la requête en excès de pouvoir, la procédure de référé suspension dirigée contre une autorisation d’urbanisme ne peut désormais être introduite que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés en excès de pouvoir.
 
Ce délai de la cristallisation des moyens est de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (article R. 600-5 du Code).

Au-delà de l'expiration de ce délai, le requérant ne pourra plus agir sur le terrain du référé suspension.

Il suffira au pétitionnaire d'attendre l'expiration de ce délai pour engager les travaux objet de l'autorisation querellée pour s'assurer de l'impossibilité pour le demandeur de solliciter la suspension de l'autorisation.
 


3. La régularisation des autorisations d’urbanisme

Initialement, le juge administratif devait être saisi de conclusions en ce sens pour examiner une possibilité de régularisation. Dorénavant, la nouvelle rédaction de l’article L. 600-5 exige du juge qu’il examine lui-même la possibilité d’une régularisation.  Il exige également de motiver le refus de faire droit à une demande d’annulation partielle.

Il devra également désormais motiver un refus de sursis à statuer en application de la nouvelle rédaction de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Un article L. 600-5-2 est par ailleurs créé : il impose aux parties à une instance en contestation de la validité d’une autorisation d’urbanisme de contester la légalité des décisions modificatives ou de régularisations intervenues en cours d’instance dans cette même instance.

Il s’agissait déjà d’une obligation dans le cas précis du permis de construire modificatif délivré en exécution du sursis à statuer du juge administratif sur le recours dirigé contre le permis initial (CE, 19 juin 2017, req. n° 398531, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Il ne s’agissait en revanche que d’une faculté en dehors de ce cas, dès lors que l’administration avait transmis spontanément en cours d’instance contre le permis initial une copie du permis de construire modificatif (CE, 6 avril 2018, req. n° 402714, mentionné aux tables du recueil Lebon).  
 

4. La modification des dispositions relatives aux recours abusifs et aux transactions

Disposition phare de la réforme de 2013 initiant la lutte contre les recours abusifs, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme est modifié afin d’accueillir plus aisément les cas de recours abusifs.

Les conditions initialement prévues par cet article sont désormais allégées : de la démonstratrion d'une mise en œuvre du recours dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant de nature à créer un préjudice excessif au pétitionnaire, la reconnaissance du recours abusif est désormais conditionnée à la démonstration d’un comportement abusif de la part du requérant de nature à causer un simple préjudice au pétitionnaire.  
 
Toujours en vue de lutter contre les recours abusifs, l’article L. 600-8 impose l’enregistrement auprès du centre des impôts de la transaction ayant conclu au désistement du requérant en contrepartie d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature.

Dorénavant, ces mêmes dispositions prévoient que les associations ne peuvent conditionner leur désistement en échange d’une somme d’argent, sauf à ce qu’elles agissent « pour la défense de leurs intérêts matériels propres. ».
 
 

En conclusion, le mot d’ordre est donné : protection des intérêts des constructeurs et lutte renforcée contre les recours abusifs.  

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